Chaque année, depuis 600 ans, la ville d'Orléans rend hommage à Jeanne d'Arc. Lors de la traditionnelle cérémonie de la remise de l'épée, quatre discours sont prononcés. Par la présidente de l'association Orléans Jeanne d'Arc, par l'évêque d'Orléans, par le commandant de la base de défense d'Orléans et par le maire d'Orléans. Voici le mien.
Discours prononcé lors de la cérémonie de la remise de l'épée
Hommage à Jeanne d'Arc 2021
J’ai voulu que nos fêtes johanniques aient lieu cette année 2021. Malgré la pandémie.
Bien sûr, la liesse populaire ne peut être au rendez-vous. Elle nous manque. Pas de fête sans vous mes chers Orléanais.
Mais nous sommes au rendez-vous de la mémoire. Au travers de ces cérémonies de l’épée et de l’étendard, c’est un rite que nous perpétuons et c’est une fidélité que nous faisons vivre. Une mémoire et une fidélité de presque 600 ans, uniques en France et que, seule Orléans, a su préserver et entretenir au cours des siècles.
C’est pour cela qu’il ne pouvait être question de ne rien faire. Il ne pouvait être question d’ajouter une année d’absence aux quelques rares qui ont parsemé notre histoire et à celle de l’an dernier.
Les symboles ont leur importance et celui de votre présence, Madame la Présidente d’Orléans Jeanne d’Arc, Monseigneur, Evêque d’Orléans, mon Colonel, commandant la base de défense d’Orléans, est essentiel.
Car, au-delà de nos personnes, nous représentons l’autorité civile, l’autorité militaire et l’autorité religieuse c’est-à-dire les trois piliers qui fondent l’épopée johannique.
Jeanne d’Arc, l’héroïne du peuple, Jeanne d’Arc la guerrière, Jeanne d’Arc la sainte. Que l’un des trois manque et l’ensemble s’affaisse.
C’est d’ailleurs pourquoi les fêtes johanniques ont transcendé les époques et c’est pourquoi la loi de 1905 de séparation des églises et de l’Etat n’y a pas interféré. C’est aussi pourquoi tous les maires d’Orléans ont veillé à les perpétuer dans une même ferveur, quelles que furent leurs sensibilités politiques. Je m’inscris résolument dans cette noble tradition.
Seuls le médiocre calcul politique et l’ignorance crasse ont cherché soit à se les approprier, soit à les empêcher, soit à les contester. Manipulation et censure ne sont jamais très loin.
En vain.
Parce que vous, chers Orléanais, vous en êtes, depuis si longtemps, les garants immuables, parce que la solidité de ce lien multiséculaire qui nous unit à Jeanne d’Arc, se moque des petites modes éphémères de la contestation, parce que vous représentez, chers Orléanais d’hier, d’aujourd’hui et de demain, la foule immense et silencieuse du peuple de France qui vous remercie pour avoir su préserver sa mémoire.
Vous êtes les garants d’une mémoire et je n’en suis que l’expression.
Mais pas de n’importe quelle mémoire. La mémoire de Jeanne d’Arc et donc la mémoire d’une histoire.
Et pas n’importe quelle histoire. Une grande histoire, l’histoire de France.
Jeanne d’Arc est au cœur même de l’histoire de France et de la lente et douloureuse construction de notre nation. Fille du peuple, alliance avec le roi, noblesse du cœur, sacrifice ultime. Jeanne d’Arc incarne, plus que tout autre, ce qu’il y a de meilleur, en lutte avec ce qu’il y a de plus médiocre.
Avec elle, c’est une certaine idée de la France que nous défendons. C’est une France fière d’elle-même, c’est un souffle de liberté, c’est un esprit de résistance. C’est la capacité rare de dire NON.
J’aime cette phrase de Kundera, « la lutte de la mémoire contre l’oubli, c’est la lutte de la liberté contre la tyrannie ».
C’est pourquoi, il nous faut défendre cette mémoire et donc notre histoire. L’histoire de France.
Y renoncer, reviendrait à nous perdre nous-même.
C’est pourquoi, cette histoire je la fais mienne, je la revendique et je récuse la conjugaison des ignorances et des haines qui voudraient nous en priver pour je ne sais quelle repentance, quel oubli, quel déni.
Ou bien s’il fallait le repentir, alors j’exige le repentir de tous sans exception, de tous continents, de tous peuples, de toutes nations.
« L’histoire de France ne s’apprend pas par cœur. Elle s’apprend avec le cœur ». Le propos est de Jules Michelet.
Je veux que nous en soyons fiers. Car nous pouvons en être fiers. La France, c’est au moins 2000 ans d’histoire. C’est l’immense cortège de toutes celles et ceux qui l’on faite. De ses poètes, de ses artistes, de ses savants. Pourquoi faudrait-il s’en excuser ? Par quelle arrogance faudrait-il la déconstruire ?
Et je fais mienne, la grande histoire de France des rois capétiens à Jeanne d’Arc, des soldats de l’An II à l’Armée des Ombres, de Napoléon à de Gaulle. Je les revendique, haut et fort. Et qui oserait l’interdire ? Au nom de qui et au nom de quoi.
Je revendique le droit de rêver aussi.
De rêver à nos héros « morts pour la France », des anonymes à Jean Moulin, du jeune tambour Barrat au Petit Prince et au sous-lieutenant Lévy-Finger qui, pendant la première guerre mondiale, alors qu’il n’avait plus de munitions, a joué face à l’ennemi, la Marseillaise sur un piano de fortune. La Marseillaise ! « Aux armes citoyens… » Comme un écho d’une brûlante actualité pour en appeler encore et toujours, au réarmement moral et politique de l’Etat, du peuple et de la nation.
La France d’avant Jeanne d’Arc est une petite France, fracturée, presque moribonde. La France de Jeanne d’Arc est une France combattante et fière. La France d’après Jeanne d’Arc est plus grande, plus forte et réconciliée. L’histoire est lointaine mais sa leçon si proche lorsqu’elle nous murmure que la fatalité n’est qu’une absence de volonté.
Alors, puisqu’ « une nation est une âme, un principe spirituel. La volonté de faire vivre l’héritage que l’on a reçu indivis » (Renan), il n’est que temps, de nouveau, de les faire vivre.
Pour que nos enfants puissent savoir qui était Jeanne d’Arc, pour que demain, et après, et toujours, une jeune fille, comme vous, Blandine, comme vous, Raphaëlle, ait l’envie et la fierté de représenter Jeanne d’Arc, pour que la France reste la France.
Serge GROUARD, maire d'Orléans
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