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Lettre au Premier Ministre, Michel Barnier

Ponctions envisagées dans le budget des collectivités territoriales, voici la lettre que j'ai adressée au Premier Ministre.




Monsieur le Premier Ministre,

 

Par les ponctions que vous projetez sur les collectivités territoriales, vous allez ruiner plus de 20 ans de bonne gestion et de rigueur budgétaire de la Ville d’Orléans et de sa métropole et certainement de nombre d’autres collectivités.


Le budget de la Ville d'Orléans est de l’ordre de 215 MO (total fonctionnement et investissement). Son épargne nette est de 23 MO en 2023 et devrait atteindre 13 M€ en 2024. Ainsi, en 2023, la ville d’Orléans (avec Annecy et Limoges) avait la plus haute épargne nette des 20 villes de sa strate. Son investissement est d’environ 50 millions d’euros.


Depuis 2001, nous avons réduit sa dette (de 94 MO à 89 MO soit une baisse de près de 34% en €constants) sans augmentation des taux de fiscalité, ce qui est, à ma connaissance, unique parmi les grandes villes de France.


Pour cela, nous n’avons cessé de rechercher et de faire des économies sur nos budgets deFonctionnement.


Les effectifs de la Ville et de la Métropole ont toujours été maîtrisés en limitant les créations de postes malgré des transferts de compétences importants.


Nous avons diminué (-10%) les subventions aux associations locales et tous les ans, nous faisons lachasse aux dépenses superflues. Nous avions bien avant 2022 mis en œuvre un plan d’économied’énergie. Je souhaiterais constater la même rigueur au sein de l’appareil d’État.

Le budget d’Orléans Métropole est de 544 M€. J’ai été élu Président d’Orléans Métropole en 2021 et je puis dire que les comptes de la Métropole, plus fragiles que ceux de la Ville, sont en bonne voie de redressement.


Tout en investissant 170 MO, la dette vient d’être stabilisée en avance de phase

Nous avons eu un premier train d’économie de fonctionnement de 5 MO en 2022 et nous avons diminué nos investissements. L’épargne a été restaurée pour terminer cette année 2024 autour de 25 MO pour le budget principal.


Tout en investissant 170 MO, la dette vient d’être stabilisée en avance de phase grâce, là encore, à une gestion extrêmement rigoureuse alors que nous avons dû faire face à l’augmentation des coûts de l’énergie, à la remontée des taux d’intérêt et à la décision de l’État d’augmenter les rémunérations desagents, sans aucune concertation avec nous bien évidemment.

 

Vous avez annoncé 5 milliards d’euros (en réalité 9) de ponctions sur les collectivités locales, ce qui se traduirait au terme des projections d’Intercommunalités de France et des nôtres à un double prélèvement sur notre épargne de 5,5 M€ sur la Ville d’Orléans et de 13 MG sur Orléans Métropole soit un total de 18,5MO.


Cela signifie, très concrètement que notre épargne va être divisée par deux. C’est juste irréaliste etles conséquences vont être désastreuses.

D’abord la brutalité de l’exécution de la ponction dès 2025 ne nous Iaisse aucun délai d’adaptation alorsque nombre d’actions sont à l’évidence déjà engagées.

Ensuite, il va nous falloir réduire drastiquement nos dépenses de fonctionnement et d’investissement.


Du côté du fonctionnement, nous n’avons que peu de marge de manœuvre pour de telles économies. Les dépenses de ressources humaines constituent le poste principal : 50 % pour la Ville d’Orléans et 27 % pour Orléans Métropole. Que pouvons-nous faire ? Réduire nos effectifs en ne remplaçant pas tousles départs en retraite est l’unique piste possible. Sur nos quelque 3 000 agents, nous aurons environ 60 départs en retraite l’an prochain. En imaginant (ce qui est absurde) de n'en remplacer aucun,l'économie serait de l’ordre de 2 MO. Loin des 18 MG nécessaires. Et, si nous sommes néanmoins contraints à une telle mesure, je vous invite à faire de même au sein de l’administration nationale.


Le reste n’est pas à l’échelle des économies demandées. Tout au plus, pourrait-on supprimer quelques gommes et taille-crayons.

En Fonctionnement, que reste-t-il ? Nos dépenses de fluides de l’ordre de 10 M€ sont incompressibles à court terme ou bien faudrait-il ne plus chauffer les écoles ou les crèches ? A un moment où le tissu associatif peine lui aussi, faudrait-il diminuer de nouveau les subventions qui représentent de l'ordre de25 MO alors que nous l’avons déjà fait ?


Nous ne pouvons pas toucher aux autres grandes masses de dépenses parce qu’elles nous sont imposées (SDIS pour 15 MO) ou font l’objet d’engagements contractuels (DSP) dont l’encre est à peine sèche.


Le reste n’est pas à l’échelle des économies demandées. Tout au plus, pourrait-on supprimer quelques gommes et taille-crayons.

J’ajoute que nombre de ces dépenses viennent suppléer les carences de l’État et exercer descompétences qui ne sont pas les nôtres.

Encore il y a quelques semaines, nous avons dû financer un bureau de poste suite au désengagement de La Poste dans un quartier politique de la ville.


Faut-il diminuer les effectifs de notre police municipale alors qu’une centaine de postes est vacant ausein de la police nationale dont 30 OPJ, chiffre record historique ? Alors même que les tensionscroissantes en ville s’expliquent en bonne partie par les décisions ineptes et unilatérales de l’État centralde nous adresser toujours plus de migrants, de sans domicile fixe, de mineurs non accompagnés, de « droit au logement opposable », sans aucune solution d’hébergement et d’insertion.


Faut-il supprimer notre (petit) service santé que nous avons dû créer faute de capacité de l’État à faire venir de nouveaux médecins sur notre territoire ?


II faut juste pour cela, compétence, courage et connaissance du terrain, ce qui ne semble pas être, sur ce dernier point, la qualité première du Ministre des Finances.

Faut-il que nous renoncions à financer notre université et nos laboratoires de recherche tel que le CNRSalors que les crédits d'État sont notoirement insuffisants ? A titre d’exemple, nous construisons de nouveaux bâtiments universitaires pour un montant de l’ordre de 90 MW (30 MG de décaissement en2025) dont la moitié à. la charge d’Orléans Métropole et seulement d’à peine 15 % à celle de l’État.


Certes, nous allons une nouvelle fois faire quelques économies et priver ainsi les Orléanais de services alors que mon expérience de haut fonctionnaire comme de député pendant de nombreuses années me rappelle tous les jours le nombre des dépenses inutiles des administrations centrales.


Pour le reste, et donc l'essentiel, il va nous falloir sans doute cumuler hausse d’impôts, augmentation de la dette et diminution de nos investissements.


Pour faire simple, les 3 choses qu’iI ne faut pas faire !

 

Nous pourrions être obligés de diviser par deux nos investissements alors que nombre de projets (par évidence pluriannuels) sont déjà engagés. Alors que les collectivités locales réalisent 75% del’investissement public hors défense, cela va porter un rude coup à notre économie déjà très fragile enparticulier dans certains secteurs en crise comme le BTP. Absurde !

Augmenter notre dette ? C’est précisément ce que l’État ne cesse de faire et veut, maintenant enrayer, à juste titre. Ce serait donc aller à l’évidence à l’encontre de l’objectif de stabilisation puis de diminution de la dette publique.


Augmenter les impôts ? Tout aussi absurde dans un pays déjà lourdement imposé. Et comment d'ailleurs puisque l’Etat nous a supprimé la taxe d’habitation et voulait poursuivre avec la CVAE ?

II est possible de faire autrement. II faut juste pour cela, compétence, courage et connaissance duterrain, ce qui ne semble pas être, sur ce dernier point, la qualité première du Ministre des Finances.


L’essentiel est dans la nécessité et l’urgence de réformer en profondeur une sphère publique devenue inefficace et trop coûteuse

Alors comment ?

 

En lissant ces économies sur plusieurs années, au moins trois, pour en amortir la violence du choc et permettre de s’y adapter.

 

En répartissant cette charge sur l’ensemble des coIIectivités locales (et non quelques-unes ce qui met à mal le simple principe d’équité) et en en diminuant le montant individuel. II est tout de ”même invraisemblable que l’État ose annoncer une augmentation de la cotisation CNRACL des collectivités locales alors que cette caisse de retraite était à l’équilibre et a été rendue déficitaire par la ponction du même État via les mécanismes de compensation entre caisses (rapport IGASde mai 2024).

 

En diminuant les dépenses de fonctionnement de l’État Iui-même y compris des dépenses directes sur les territoires.


Mais, l’essentiel n’est pas là. L’essentiel est dans la nécessité et l’urgence de réformer en profondeur une sphère publique devenue inefficace et trop coûteuse.


Je m’explique :

 

L’État apporte diverses subventions dans nos territoires (sport, culture, social pour ne prendre que ces trois exemples). Eh bien, réduisons-les en lieu et place de la ponction sur notre épargne. Et supprimez alors des postes des administrations de l’État qui n’auront plus de raison d’être. Et si l’on veut aller plus Ioin, décentralisez totalement les compétences culture et sport. Nous saurons gérer plus efficacement la ressource financière. Et ce qui vaut pour des deux domaines peut valoir pour d’autres bien sûr.


C’est une nouvelle ambition gaullienne qu’attend la France et non le jeu « des poisons et des délices» d’une Quatrième République à l’agonie.

Évidemment, ce serait plus douloureux pour l’État, mais plus efficace.

 

Mais, la technostructure ne veut pas de cela parce qu’au travers de cette ponction directe sur nosbudgets, c’est en réalité une nouvelle recentralisation, cette fois financière qui s’opère. Après larecentralisation fiscale et la recentralisation normative voilà que se profile la recentralisation budgétaire.C’est une folie. Vous allez aggraver « le mal Français » pour reprendre l’ouvrage remarquable et, plusque jamais d’actualité, d’Alain Peyrefitte.


C’est un changement général de logiciel qu'il faut opérer au travers du triptyque.

 

  • décentralisation (et réorganisation des collectivités territoriales),

  • suppression (de tout ce qui ne sert à rien sauf à quelques-uns !),

  • simplification (de la folienormative).


C’est à la hache qu’il faut agir. Placer la décision au plus proche du terrain, supprimer tout ce qui ne sert à rien, concentrer les moyens de l’État là où ils sont nécessaires (santé, sécurité, environnement,éducation) et pour reprendre Georges Pompidou « arrêter d’emmerder les Français».


On en est malheureusement très Ioin.

 

C’est une nouvelle ambition gaullienne qu’attend la France et non le jeu « des poisons et des délices» d’une Quatrième République à l’agonie.


Je vous prie de croire, Monsieur le Premier Ministre, à l’assurance de ma profonde considération.

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