Le projet de réforme d’EDF avait été initialement baptisé « Hercule » par son PDG, Jean-Bernard Lévy, sans doute en référence à l’ampleur de la tâche. Il aurait mieux valu le baptiser d’emblée Achille tant cette réorganisation d’EDF met en lumière la faiblesse du gouvernement français face à une Commission européenne qui détient entre ses mains l’avenir de l’industrie électrique française. Et qui peut lui couper la tête comme elle l’entend.
Résumons le chantage de la Commission : Depuis 2011 existe une négociation européenne, l’Arenh (accès régulé à l’énergie nucléaire historique). La France souhaite obtenir la juste rémunération de l’électricité produite par ses centrales nucléaires, soit 49 euros le mégawattheure au lieu des 42 euros imposés actuellement par Bruxelles pour encourager la concurrence. Sauf que cela ne pourrait se faire qu’à la condition sine qua non de réorganiser totalement l’entreprise publique selon les desiderata de la Commission européenne, ce qui revient à dire la démanteler.
Si l’on voulait s’attaquer à l’un de nos rares avantages comparatifs, on ne s’y prendrait pas autrement.
Cette contrepartie, ou ce chantage qui ne dit pas son nom, se fait évidemment sur fond de mise à mort silencieuse du nucléaire, avec sans doute la bénédiction d’une Allemagne dont on sait les errements en matière de politique énergétique.
À toutes fins utiles, rappelons que nous bénéficions d’une électricité bien moins chère que la moyenne européenne, un peu moins de 19 centimes par kilowattheure, contre plus de 30 centimes pour les ménages allemands.
Si l’on voulait s’attaquer à l’un de nos rares avantages comparatifs, on ne s’y prendrait pas autrement.
Concrètement, ce fameux projet « Hercule », en négociation depuis plusieurs mois, prévoit à ce jour de regrouper toutes les activités nucléaires et hydrauliques dans un « EDF Bleu » 100 % public, et de créer un « EDF Vert », ouvert à des capitaux privés, qui rassemblerait le réseau de distribution Enedis, les énergies renouvelables et la fourniture d’électricité.
Cette nécessité ne doit en aucun cas servir de caution fallacieuse à un démantèlement d’EDF et d’un modèle français qui a plus que fait ses preuves.
En définitive, ce projet imposerait la séparation des activités de production et de vente, modèle français qui a pourtant fait ses preuves depuis des décennies et qui garantit, en sus, notre souveraineté énergétique. Bruxelles exige donc de la France qu’elle sacrifie une synergie performante entre la production, la distribution et la vente de l’électricité, et qui a permis à notre pays, depuis 1946, de se reconstruire.
Déployer les énergies renouvelables alors que la France est à la traîne dans le développement de l’éolien et du solaire, est une nécessité impérative. Mais cette nécessité ne doit en aucun cas servir de caution fallacieuse à un démantèlement d’EDF et d’un modèle français qui a plus que fait ses preuves.
Alors, il revient au gouvernement français de clairement refuser l’ukase de la Commission.
Et si, d’aventure, Hercule venait à être désoeuvré, il y aurait bien d’autres travaux d'envergure à lui confier et notamment réformer en profondeur les politiques, monétaire, commerciale et de la concurrence de l’Union européenne qui depuis vingt et plus ont largement contribué à la désindustrialisation de la France.
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